La bande dessinée espagnole
s’installe à Paris en décembre
Pour son édition 2023, le SoBD accueille l’Espagne, l’une des scènes les plus prolifiques du 9e art mondial. Attestée depuis le XIXe siècle, la bande dessinée ibérique a connu une croissance rapide dans la première partie du XXe siècle, jusqu’à l’étouffoir de la dictature franquiste, qui ne la vit pas pour autant disparaître. En 1976, avec la République retrouvée, c’est une nouvelle explosion de créativité que connaît le pays.
Les artistes espagnols ne sont pas inconnus du public français, ne serait-ce qu’en raison de l’émigration d’un certain nombre d’entre eux lors de l’avènement du franquisme. Aujourd’hui encore, beaucoup d’entre eux travaillent pour le marché français. Mais la scène ibérique est bien plus fertile que ce que nous en voyons en France. Le SoBD se propose donc, cette année, d’offrir un très large aperçu du 9e art espagnol, qui prendra la forme d’une programmation étendue sur deux semaines, et intitulée en conséquence La Quinzaine de la bande dessinée espagnole à Paris.
L’édition espagnole de SoBD 2023 est co-organisée avec l’Asociación Cultural Tebeosfera (ACyT), une initiative dédiée depuis 15 ans à l’étude de la BD espagnole. Avec elle, la saga du 9e art ibérique, sera abordée durant la quinzaine de la BD espagnole (du 23 novembre au 13 décembre), ainsi que dans l’habituel Cycle étranger du SoBD, consacré à la BD du pays invité, permettant aux amateurs de du 9e art l’opportunité de découvrir l’une des scènes les plus foisonnantes du continent. De même, leurs œuvres seront présentées dans l’exposition La Bande dessinée espagnole contemporaine.
Les artistes espagnols invités à Paris
Née en 1993 à Ibiza, Anabel Colazo fait ses études aux Beaux-Arts de Valencia. Ses débuts dans la BD ont lieu dans le fanzine Nimio, fondé avec ses camarades d’études. En 2015, celui-ci remporte le prix du meilleur zine à la Barcelona Comic Fair. Toujours en 2015, elle publie son premier album et mémoire de licence El Cristal Impossible, dans la collection « La Mansión en Lamas » chez de Havilland Ediciones.
En 2017, elle entreprend l’écriture d’un récit long, publié en Espagne par La Cúpula et en France chez Ça et là sous le titre Proches rencontres. La jeune autrice y marque déjà son attrait pour les phénomènes paranormaux, créant un univers ou l’incertitude et le mystère planent constamment. Ne regarde pas derrière toi (2019), son second roman graphique, édité par les mêmes maisons, explore cette fois la culture geek et de la crespypasta, agissement propre au Net qui produit des images étranges dont Colazo se fait l’écho. Ce second titre est aussi le premier qu’elle réalise en couleur, travaillant à la palette graphique dans une gamme vibrante, réminiscence de célèbres jeux vidéos. Elle poursuit dans la même veine (et avec les mêmes éditeurs) avec L’Épée (2022), un troisième opus qui ouvre cette fois des allusions tant narratives que graphiques et plastiques au monde de Zelda.
Anabel Colazo réside aujourd’hui à La Corogne en Galicie. Elle s’est affirmée comme l’une des représentantes de la jeune génération des autrices de bande dessinée espagnole, forte d’une démarche artistique marquée par la culture populaire de son temps : les mangas, les jeux vidéos et la Net culture.
Né à Barcelone en 1941, Kim est le nom de plume de Joaquim Aubert Puigarnau. Sa longue carrière espagnole lui a valu une notoriété importante, tant auprès du public que de la critique.
Formé à la Faculté des Beaux-Arts de Barcelone, il débute son parcours artistique par la peinture avant de lui préférer le dessin. Lié à la mouvance underground, il collabore dans le courant des années soixante-dix avec divers fanzines, mais aussi avec des revues musicales (Vibraciones) et satiriques (Muchas gracias). C’est à partir de 1977 qu’il commence à dessiner pour la revue El Jueves, y installant pour plus de trente ans la série Martínez el facha (Martin le facho, inédite en France). Il publie également dans d’autres titres, notamment Ajo Blanco, Penthouse, Playboy et Makoki, pour lequel il crée La Familia Guarrindonguis en 1989.
Sa rencontre avec Antonio Altarriba le conduit à creuser une veine plus intimiste. Tous deux publient L’Art de voler en 2009, titre récompensé en Espagne par le Prix National de la bande dessinée, suivi de L’Aile briséeen 2016. Ces deux titres ont été traduits en France, où l’on connaît donc le travail de la dernière partie de sa carrière, mais beaucoup moins celui des années précédentes. Kim n’a pas interrompu sa carrière après ces deux succès. En 2018, il a publié Nieve en los bolsillos (Un rêve d’ailleurs). Il y revient sur son expérience d’émigré en Allemagne, soixante ans auparavant, en 1963.
María del Carmen Vila Migueloa, plus connue comme Marika, débute au milieu des années 1970 une carrière étonnante, marquée par la bande dessinée. Dessinatrice, illustratrice et créatrice, elle a également officié comme responsable éditorial et a assuré le commissariat d’une dizaine d’expositions. Enfin, c’est une historienne de la bande dessinée, abordant sa discipline sous un angle sociologique en s’attachant aux rôles des femmes dans le 9e art espagnol.
La jeune femme, dans la vingtaine (elle est née en 1949 à Barcelone), suit parallèlement des études de sociologie et de dessin. Dans ces années 1970, elle affirme déjà son militantisme féministe, mais c’est par un biais plus classique qu’elle aborde la BD en collaborant à l’agence Selecciones Ilustradas pour produire du matériel destiné à l’étranger (Royaume-Uni, Suède), principalement pour des revues pour jeunes filles. Elle rejoint comme créatrice la revue Troya à la fin de la décennie puis diversifie ses collaborations avec de nombreux autres titres, dont TOTEM, El Jueves, Gaceta Ilustrada, TOTEM El Còmix, et Rambla. Pour ce dernier, elle assure la production éditoriale dans les années 1990. Elle se chargera encore de la production de plusieurs séries à succès pour le compte de Planeta-DeAgostini (Dragon Ball, Doreamon… et Barbie, la BD inspirée de la poupée du même nom).
C’est une femme expérimentée qui reprend ses études en sociologie en 2009, s’engageant dans un projet questionnant les notions de genre dans la bande dessinée. Ce travail de chercheuse la conduit en 2017 à la soutenance de sa thèse de doctorat intitulée « El cos okupat : iconografies del cos femení com a espai de la transgressió masculina en el còmic » (« Le corps occupé : iconographies du corps féminin comme espace de transgression masculine dans la BD »).
Autrice de BD, illustratrice et photographe, née à Barcelone en 1958 et diplômée des Beaux-Arts, Laura Pérez Vernetti a connu l’euphorie de la période post-franco durant ses années de formation. Elle commence à publier en 1981 dans le magazine underground mythique Ėl Víbora avec lequel elle collaborera pendant dix années. Parfois avec des scénarios propres, parfois avec des scénaristes de la revue, comme Alfredo Pons, Onliyú et Carlos Sampayo. On reconnaît son trait style franc et gras, donnant vie a des personnages souvent mélancoliques, enfuis dans des mondes aux frontières du réel et de la poésie.
Son long parcours est ponctué de recherches et d’expérimentations lui ayant permis de recouvrir presque tous les genres possibles : adaptations littéraires, poésie, BD expérimentale, politique, érotisme, etc. avec une préférence pour la poésie et la recherche de ponts entre le 9e art et celle-ci. Pionnière de la poésie visuelle sur la scène espagnole, elle travaille depuis quinze ans à étendre les possibilités de ce langage artistique, à travers des publications chez Luces de Gálibo et Reino de Cordelia, en abordant la vie de grands poètes tels Rilke, Maiakowski, Pessoa ou Alberto Cuenca.
Publiée dans toute l’Europe (Allemagne, Pays scandinaves, Italie et Royaume-Uni), et en Amérique latine, mais peu connue en France, son œuvre a été exposée dans de nombreux musées tels le Musée d’art contemporain de Madrid et le Musée d’histoire de Barcelone. En 2017, elle a reçu le prix Trueno de Honor pour l’ensemble de sa carrière, puis en 2018 le Grand Prix du 36e Salon international de la BD de Barcelone.
Né en 1958 en Galice, Miguelanxo Prado est un auteur dont la renommée a franchi de nombreuses frontières. Il s’essaye d’abord à l’architecture, mais renonce sans terminer ses études. C’est bien dans un fanzine (Zero) qu’il commence sa carrière, aux côtés d’autres artistes de sa génération comme José María Beroy ou Pascual Ferry. Il publie dans de nombreuses revues prestigieuses espagnoles (Creepy, El Jueves, Cairo, etc.), et son travail est rapidement traduit en France (Demain les dauphins en 1988, Stratos en 1990, etc.). Outre la bande dessinée, on doit à Prado de nombreuses productions animées, courtes comme longues, programmées en Espagne ou aux États-Unis.
Dessinateur virtuose plus que prolifique, Miguelanxo Prado a publié une grosse vingtaine de titres. Venu du trait hachuré, dense et nerveux, accompagnant un dessin virant vers le satirique, il penche rapidement pour la couleur directe où il excelle, notamment via l’usage de l’acrylique au pinceau, en applique très recouvrante, ne laissant que peu de place au blanc du papier (Trait de craie, 1993, Pierre et le loup, 1997). Il ne renonce pas au trait pour autant, adoptant pour Venin de femmes (1996) une ligne fine et diaphane que la couleur, appliquée en gamme étroite de tons, ne parvient pas à recouvrir.
Prado est un artiste multi récompensé, en Espagne (Prix national de la bande dessinée, 2012), mais aussi en Allemagne (Max und Moritz, 1990 et 1998) et en France (Alph-Art, 1991 et 1994, Grand Boum, 2001). Prado enseigne la bande dessinée à Pontevedra en Galice, au sein de l’école O Garaxe Hermético (Le Garage hermétique).
Originaire de Valence, né en 1969, Paco Roca est des auteurs de premier plan de la bande dessinée espagnole. Avec plus de trente titres publiés, il a été traduit dans une douzaine pays par des éditeurs de renom (La Cúpula, Delcourt, Fantagraphics, etc.). Près d’un tier de sa bibliographie est disponible en français. Récompensé à de multiples reprises, Roca a reçu un Eisner Award, un Inkpot de la San Diego Comic Con, le Grand Prix Romics de Rome. En Espagne, il a été récompensé par le Prix National de BD. Son trait net et clair le place parmi les adeptes de la ligne claire, de même que sa manière de mener des récits, qui privilégie la transmission des émotions et une grande fluidité narrative à la démonstration d’une virtuosité graphique.
Auteur de bande dessinée mais aussi illustrateur, Roca est né à Valence en 1969, ville où a effectué des études de Beaux-Arts et de Design. Il débute sa vie professionnelle en créant un studio d’illustration qui lui permet de coupler des travaux publicitaires avec la production de bande dessinée, cette dernière initié dès les années 1990 par une collaboration avec le magazine érotique de La Cúpula, Kiss Comics (publié en France sous son titre original, puis comme La Poudre aux rêves).
Paco Roca se tourne rapidement vers le marché français, en y publiant à compter du début du XXIe siècle. C’est en France qu’il rencontre son premier grand succès, avec Rides (2007, aujourd’hui La Tête en l’air), très rapidement porté en Espagne. Ce récit raconte, avec émotion mais également avec humour, le naufrage d’un homme dans la maladie d’Alzheimer. Ce sera le premier d’une suite de livres intimistes, s’attachant à la peinture des personnages, certains à caractère autobiographique (La Maison, 2016, Retour à l’Eden, 2022). Roca s’est encore penché sur des récits historiques, mettant en scène le milieu espagnol de la BD pendant la période franquiste (L’Hiver du dessinateur, 2010), ou celui les républicains espagnols émigrés en France et engagés dans l’armée française (La Nueve, 2014).
La présence espagnole sur le SoBD 2023 est co-organisée avec :
Né en 2001, Tebeosfera a pour objet l’étude de la bande dessinée espagnole. Créé par un groupe de spécialistes et de documentalistes du 9e art, l’entité s’est constituée en association en 2008, adoptant la dénomination Asociación Cultural Tebeosfera (ACyT). ACyT édite à la fois la revue spécialisée Tebeosfera ainsi qu’un répertoire en ligne de la bande dessinée espagnole et édite des ouvrages sur la bande dessinée ibérique. L’association, dont le siège est à Séville, est dirigée par Manuel Barrero et Félix López. La quinzaine de la bande dessinée espagnole du SoBD 2023 est co-organisée avec Tebeosfera.
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